Un nouveau livre sur l'affaire Grégory
Je ne sais pas si, comme moi, vous avez regardé le téléfilm en six épisodes consacré à l'affaire Grégory diffusé en octobre dernier sur France 3; plutôt bien faite sur la forme (en dépit de quelques longueurs), l'oeuvre m'a quand même un peu gêné par son manichéisme, ses partis-pris clairement affichés et ses sous-entendus (laissant entendre la culpabilité de Bernard Laroche, cousin de Jean-Marie Villemin, dans l'assassinat de son fils Grégory Villemin). Afin de faire la moyenne, j'ai souhaité entendre un autre son de cloche, et c'est avec intérêt que j'ai lu L'Affaire Grégory de Me Prompt.
Bien sûr, l'avocat de Bernard Laroche n'est pas vraiment de ma chapelle - c'est un communiste "pur sucre", et ça se sent - mais la lecture de son ouvrage s'avère plutôt instructive. J'avoue avoir été troublé par les accusations qu'il porte contre l'officier de gendarmerie Etienne Sesmat, premier directeur d'enquête sur l'assassinat du petit Grégory, qui aurait reconnu devant lui avoir négligé les règles du Code de Procédure Pénale en ces termes: "Si j'ai commis des erreurs, peu importe puisque j'ai le résultat." (p. 96). Ce sont là des accusations sérieuses; Etienne Sesmat va t-il y répondre? Par ailleurs, j'ai été interloqué par le rappel d'un entretien accordé par les Villemin au Parisien libéré dans lequel ils se réjouissent (!) de la libération de Bernard Laroche, et par celui de leur aveu ultérieur: cet entretien aurait été une diversion pour camoufler le projet d'assassinat de leur cousin (p. 128).
De manière générale, l'auteur soulève des questions intéressantes (exemple: sur des enregistrements magnétiques effectués par le second directeur d'enquête, Jacques Corazzi du SRPJ de Nancy, qui n'ont pas été versés au dossier, p. 190-191), questions qui laissent clairement entendre que les erreurs n'ont pas manqué dans les deux instructions et les deux enquêtes menées sur la mort du petit Grégory. A l'heure actuelle, l'innocence de Christine Villemin est juridiquement établie (non-lieu du 3 février 1993) et Bernard Laroche, assassiné par son cousin Jean-Marie Villemin, bénéficie d'une présomption d'innocence posthume, en application de l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles du 15 mai 2002. A juste titre, Me Prompt cite longuement cet arrêt dans son chapitre 9 (p. 224-246), moins connu que le non-lieu du 3 février 1993 - non-lieu que d'aucuns considèrent comme étant le "Saint Graal" judiciaire de l'affaire Grégory, et qui est d'ailleurs vivement critiqué par la Cour d'Appel de Versailles (ce qui ne signifie pas qu'il doit être rejeté en bloc, bien sûr).
Même si on ne suit pas l'auteur dans toutes ses observations (je ne considère pas ce livre comme un catéchisme, pas plus que ceux du colonel Sesmat et du commissaire Corazzi) la lecture de son ouvrage est indispensable pour ceux et celles qui s'intéressent à l'affaire Grégory. Et comme Me Prompt, j'espère que la Justice rouvrira le dossier, qu'elle aura le courage de "plonger" dans les eaux troubles de la Vologne afin de faire toute la lumière sur ce drame, la prescription n'intervenant qu'en 2011.
Frédéric VALANDRE.
PS: Pour en savoir plus, se reporter à mes deux précédentes fiches sur l'affaire Grégory, consacrées aux livres Les deux affaires Grégory et Le Secret de la Vologne.