C’est le 20 novembre dernier, sur le stand des éditions Tatamis au salon des éditeurs indépendants, que je me suis procuré un ouvrage paru il y a un peu plus de trois ans : La Judéomanie Elle nuit aux Juifs Elle nuit à la République. Le livre ayant été refusé par toutes les maisons sollicitées, Jean Robin avait décidé de le publier au sein de la société qu’il a fondée début 2006, les éditions Tatamis.
Concrètement, qu’est-ce que la judéomanie ? Réponse de l’auteur, inventeur de ce néologisme : « Admiration outrée pour la communauté juive, qui génère de l’antisémitisme par retour de boomerang. » (4e de couverture). Ce livre constitue un travail très documenté, et argumenté, et de manière générale je ne peux que souscrire à l’analyse de Jean Robin. Oui, il existe bien un phénomène judéomane en France, et aux preuves qu’il donne (loi Gayssot en 1990, affaire Renaud Camus en 2000, etc.) j’ajouterai ce que j’ai pu constater durant la préparation de mes ouvrages. Entre autres : l’indécente campagne médiatique en faveur du braqueur gauchiste juif Pierre Goldman, considéré comme étant « forcément » innocent – ce qui est aussi débile que d’écrire que le capitaine Dreyfus était de par ses origines un traître en puissance – ou alors le charivari médiatique suite au non-lieu (provisoire) rendu en faveur de l’ancien milicien Paul Touvier en avril 1992 : une minute de silence à l’Assemblée nationale pour protester contre une décision de justice, ce n’est tout de même pas courant !
Pour en revenir à La Judéomanie, je dirai que, tout comme l’auteur, je suis plutôt réservé concernant certaines initiatives sur le plan judiciaire. Par exemple, porter plainte contre Eric Hazan, éditeur français du livre de Norman Finkelstein L’Industrie de l’Holocauste (p. 144) n’était sans doute pas très approprié : cet auteur est certes très anti-israélien, et il est vrai qu’il a été qualifié de « Juif iconoclaste et courageux » par une revue révisionniste bretonne aujourd’hui disparue (L’Autre Histoire, animée par André Chelain, alias Trystan Mordrel). Mais l’ouvrage ne conteste nullement la Shoah, et a eu droit aux éloges de Raul Hilberg lui-même, célèbre auteur de La Destruction des Juifs d’Europe. On lira également avec intérêt l’analyse de Jean Robin sur l’affaire Ilan Halimi (p. 220-239). (1)
Certes, l’ouvrage n’est pas exempt de faiblesses. Sur la forme, on pourra regretter des citations parfois un peu longues, particulièrement dans les notes de bas de page. Du reste, je ne partage pas toutes les observations de Jean Robin. Exemple : s’il est bien sûr exagéré de parler comme Pierre-André Taguieff de « silence des médias » face à l’explosion des violences antisémites de l’automne 2000 en France (p. 177), force est de constater une gêne, une discrétion certaines de professionnels de l’antiracisme – MRAP, Ligue des Droits de l’Homme – vis-à-vis de la judéophobie banlieusarde et à la sauce islamo-gauchisante. Là encore, il ne s’agit nullement d’une construction de l’esprit, ce sont des choses que j’ai constatées au cours de mes investigations passées. En outre, contrairement à l’auteur (p. 180-181), je n’ai pas attendu 2003-2004 et Dieudonné pour entendre parler du Code Noir. On en citait des extraits dans mon manuel d’histoire de 4e (année 1989-1990), mon professeur d’histoire moderne l’avait traité en cours lorsque j’étais en licence à l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines (1999), et l’éditeur d’ultra-gauche L’Esprit frappeur l’avait édité en 1998 pour un prix modique (10 francs à l’époque). En clair, parler de black-out à propos du Code Noir est un tantinet excessif à mon sens.
Ceci étant dit, La Judéomanie demeure un ouvrage fort intéressant, dont la thèse n’a, pour reprendre l’expression de l’auteur, « pas pris une ride ».
En 2008 Jean Robin a publié une suite à son travail aux éditions Dualpha, intitulée L’Etat de la Judéomanie en France et dans le monde. Cette fois, il ne s’agit pas d’un essai mais d’un recueil de textes issu du blog ouvert par l’auteur à l’automne 2006, qui prolonge sa réflexion sur le sujet : billets d’opinion ou d’humeur, notes de lecture sur La Judéomanie, échanges de courriers entre Jean Robin et son lectorat, etc. Moins charpenté que le précédent dans sa structure – on peut le lire dans l’ordre ou pas – ce second opus est riche en informations, dont certaines ne sont pas forcément connues du grand public, comme les atteintes à la laïcité en faveur de pratiques religieuses juives en France (p. 49-50) et au Canada (p. 432-433). Certes, une fois encore, je ne partage pas forcément toutes les observations de l’auteur – exemple : sa présentation de la tragédie du 17 octobre 1961, p. 563 – et dans certains passages se glissent des erreurs : Oskar Schindler était membre du Parti national-socialiste mais n’a jamais été SS (p. 100), et ce ne sont pas des « fils de notables locaux » mais des skin-heads qui ont commis la profanation antisémite de Carpentras (p. 398). Malgré ses défauts, nous avons là un copieux ouvrage qui plaira sans doute au lectorat de Jean Robin en général et de La Judéomanie en particulier.
Frédéric Valandré.
PS : A noter que L’Etat de la Judéomanie en France et dans le monde est dédié à l’ancien Premier Ministre feu Raymond Barre, que Jean Robin défend contre les accusations d’antisémitisme dont il fut la cible (p. 566-584).
(1) A mettre en balance avec celle de Pierre-André Taguieff dans La Judéophobie des Modernes Des Lumières au Jihad mondial, Paris, Odile Jacob, p. 457-481.
Pour se procurer ces deux livres :
* La Judéomanie
* L'Etat de la Judéomanie en France et dans le monde
ou à la librairie Primatice : 10, rue Primatice, 75 013 Paris, Tél : 01 42 17 00 48.