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Le blog du chatborgne / blog de livres
17 décembre 2006

Arrêt Seznec: une défaite pour la justice médiatique

Seznec. l'Impossible RehabilitationLe rideau est tombé ce jeudi 14 décembre: la Cour de révision a rejeté la demande de réhabilitation de Guillaume Seznec, estimant qu' il n' y a aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.

Petit rappel: en 1923, Guillaume Seznec, propriétaire d'une scierie à Morlaix, s'associe avec son ami Pierre Quémeneur, conseiller général du Finistère, pour vendre des voitures américaines aux Soviets. Le 25 mai, les deux hommes quittent la Bretagne à bord d'une vieille Cadillac qu'ils espèrent vendre à Paris à un mystérieux intermédiaire, un Américain se faisant appeler Gherdi. Après quinze heure de voyage et autant de pannes, Seznec et Quémeneur se retrouvent immobilisés à une soixantaine de kilomètres de la capitale. Plus personne ne reverra Quémeneur. Très vite suspecté d’avoir tué son ami, et d’avoir tapé une fausse promesse de vente à son bénéfice (concernant le Traou-Nez, la propriété de Quémeneur située à Plourivo) Seznec est condamné au bagne à perpétuité le 4 novembre 1924 ; finalement gracié en 1946, il est renversé par une camionnette le 15 novembre 1953 et meurt le 13 février 1954. Depuis plus de 80 ans, la famille Seznec se bat pour obtenir la révision du procès, et on ne peut qu'être impressionné par sa combativité, plus particulièrement celle de Denis Le Her-Seznec, le petit-fils de l'ancien forçat. Et je comprends bien la colère qui a été la sienne jeudi dernier lorsque la Cour de révision a rendu sa décision.

Cela dit, cela ne m'empêche pas d'être sidéré par le spectacle donné par le petit-fils Seznec et ses partisans au Palais de Justice de Paris jeudi dernier: injures à l'égard des magistrats en particulier et de la Justice en général, et ce en présence de sa famille, de ses avocats, de quelques acquittés de l'affaire d'Outreau, de Patrick Dils (il ne manquait plus que Richard Roman et Omar Raddad pour faire bon poids), sans même parler des joueurs de biniou et des indépendantistes bretons hurlant "Mort à la France !" (d'après Libération du 15 décembre)... on se serait cru dans un épisode du dessin animé Calimero ("C'est trop injuste, Seznec n'a pas été réhabilité !"), en moins drôle cependant !


Au delà de la question de fond (coupable ou innocent ?) c'est surtout l'argumentation de la défense qui pose problème: selon elle, Guillaume Seznec aurait été victime d'une machination politico-policière, orchestrée par un des enquêteurs de l'époque, l'inspecteur Pierre Bonny, en collaboration avec le fameux Gherdi (pas américain d'ailleurs, c'est un Algérien) que devait rencontrer le duo Seznec-Quémeneur lors de son voyage parisien de mai 1923. Objectif: camoufler le trafic de Cadillac avec l'URSS dans lequel seraient mouillés nombre d'hommes politiques. A l'appui de cette théorie: le témoignage de Colette Noll, une résistante qui affirme que le gestapiste ayant permis son arrestation en 1944 n'était autre que Boudjema Gherdi; Bonny étant lui aussi dans la Gestapo française à l'époque, sans doute les deux hommes se connaissaient-ils, et sans doute étaient-ils déjà de mèche en 1923 pour faire plonger le pauvre Seznec... CQFD.


Tout cela est quand même tiré par les cheveux, et ne permet pas vraiment de blanchir Seznec. Même si on n'a jamais retrouvé le corps de Quémeneur, de sérieux éléments à charge subsistent: je songe aux conclusions de deux expertises réalisées en 2004 sur les deux principales pièces à conviction du dossier d'accusation de l'époque, des faux actes de ventes imputés à Guillaume Seznec et une machine à écrire. Dans les deux expertises, les conclusions sont défavorables à l’ancien maître de scierie. La première conclut que les faux actes de vente ont bien été tapés sur une machine à écrire saisie à son domicile. La seconde établit après examen de photos que la machine à écrire en question est bien du même type que celle qui a été présentée au procès de 1924.


En définitive, l'arrêt rendu jeudi dernier est surtout une défaite pour une certaine justice, la justice médiatique, qui consiste à fabriquer des coupables ou des innocents pour satisfaire une opinion publique en mal de sensations fortes. Pour comprendre les problèmes posés par la réhabilitation de l'ancien bagnard, j'invite à lire le texte de l'arrêt du 14 décembre 2006 mais aussi le petit livre de Michel Keriel Seznec L'impossible réhabilitation qui contient le texte intégral de l'arrêt du 28 juin 1996 rejettant la précédente demande de révision déposée par la famille Seznec.


Frédéric VALANDRE


PS: je vais me procurer prochainement l'ouvrage de Guy Penaud,  L'énigme Seznec. Je ferai part de mes commentaires sur ce livre aux lecteurs de notre blog. A suivre...

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Commentaires
T
A Axelle :<br /> Etant de nature plutôt indulgente j'ai du mal à faire mienne la thèse de Kériel et par là de Tontonzy.<br /> Cette thèse consiste, si je ne me trompe, à penser que les demandes de révisions ont toujours été mal présentées volontairement de façon à provoquer un refus inévitable. Tout cela pour protéger un fond de commerce juteux.<br /> Et pourtant.. il est assez évident que la seule chance, pour les partisans de Seznec, aurait été d'admettre l'évidence, la responsablité de G.S. dans les faux, mais d'argumenter pour dire que cela n'impliquait automatiquement pas sa responsabilité dans le meurtre en s'appuyant, en particulier, sur le fait qu'il n'y avait pas de cadavre pour "tenter" d'instiller un doute favorable à l'accusé.<br /> <br /> Quand à l'accusation de diffamation envers monsieur Denis le Her, laissez moi rire. <br /> Ca ne le gêne pas, lui, de salir la mémoire du beau-frère de Pierre Quéméneur ou d'accuser des policiers de Rennes et Paris d'avoir fromenter un vaste complot.(sans oublier le juge d'instruction).<br /> Ca ne le gêne pas non plus d'injurier des juges, qu'il accuse de surdité, d'aveuglement et de malhonnêteté.<br /> <br /> Et pour le fond de commerce juteux force est de constater que monsieur Le Her Denis exploite depuis longtemps, à son profit, la complaisance de journalistes ignorant tout de l'Affaire et complètement manipulés.<br /> La dernière péripétie en date étant la réédition de son livre le 14 décembre, certainement une coïncidence ! Livre présenté le soir même sur les JT du 20h de TF1 et France 2. Sans explications sur les attendus de la Cour et surtout sans contradicteur.<br /> <br /> Allez, je préfère encore croire que monsieur le HER est aveuglé par sa "Foi"...<br /> <br /> Tanisse
T
Je corrige une erreur que j'ai commise :<br /> Les attendus de la Cour font bien référence à l'expertise de monsieur Nowaczyk mais sans faire référence à 'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale.<br /> "Attendu qu'en avril 2003, la commission de révision a ordonné une expertise dactylographique, confiée à Dominique Nowaczyk, afin que soit comparé le contenu des deux promesses de vente avec, d'une part, un fac-similé tapé par le commissaire Cunat, le 6 juillet 1923, en présence de Marie-Jeanne Seznec, sur les lieux-mêmes de la découverte de la machine à écrire, et, d'autre part, quatre doubles de correspondances réalisés par Joseph Chenouard lorsqu'il détenait cette machine ;<br /> <br /> Attendu que l'expert a conclu que tous ces documents avaient été dactylographiés avec la même machine à écrire, ce qui met fin à une controverse, aujourd'hui abandonnée, sur l'origine de cette machine ; qu'en outre il a relevé, sur l'exemplaire de la promesse de vente remis par Seznec, l'existence d'un rebondissement de la lettre "é", qu'il n'a pas constaté sur celui découvert dans la valise de Quéméneur ; qu'il en a déduit que les deux documents n'avaient fort probablement pas été réalisés par la même personne, se trouvant ainsi en désaccord avec l'expert commis par le juge d'instruction ; qu'en l'état de cette déduction, il a relevé une similitude de "doigté dactylographique" entre l'exemplaire remis par Seznec et le fac-similé tapé par le commissaire Cunat ;"<br /> <br /> Suiventles raisons pour lesquelles cette expertise ne peut être retenue en particulier parce qu'elle supposerait un complot mettant en cause un nombre important de policiers de deux brigades différentes. De plus l'enquête au moment de la réalisation des documents n'avait pas encore débuté.. A lire en tout cas dans l'arrête de la CdC.<br /> A noter que l'expertise dément que les deux promesses ait été réalisées sur deux machines mais par contre émet l'hypothès que deux personnes aient pu les taper.<br /> Encore faudrait-il que tout cela "colle" aux éléments du dossier.<br /> La Cour rappelle que la machination policière est techniquement et chronologiquement impossible.<br /> <br /> je n'avais pas fait, dans un premier temps, la relation entre les deux. Pour autant il semble que M. Nowaczyk a été sollicité à titre personnel. L'Institut ne semble pas avoit été saisi en tant que tel.
A
"Encore raté, monsieur Denis Le Her..." par Tontonzy<br /> <br /> M'autorisez-vous, Cher Monsieur, à retranscrire votre message, et par là-même vos propos diffamants sur Denis SEZNEC, sur le site de FRANCE-JUSTICE ?<br /> <br /> Merci de votre réponse, quoi que.... autorisation ou pas, le lien va lui être communiqué. Du fait qu'il a toujours été assez grand pour savoir ce qu'il avait à faire..........
T
Dans Audience du jeudi 5 octobre 2006<br /> <br /> CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GENERAL<br /> On peut lire :<br /> .<br /> c- Troisième observation : l'expert de l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, M. Nowaczyk, commis par la présidente de la Commission de révision, le 24 avril 2003, a soulevé un problème nouveau. En effet, de l'ensemble des examens auxquels il a procédé, de manière très minutieuse, l'expert conclut :<br /> - qu'une seule et même machine a servi à la rédaction de<br /> l'ensemble des éléments suivants :<br /> *la pièce de question A (il s'agit de la promesse de vente telle que censée avoir été remise par Seznec aux enquêteurs)<br /> *la pièce de question B (il s'agit de la promesse de vente découverte dans la valise de Quemeneur)<br /> *le spécimen dactylographié le 6 juillet 1923 (il s'agit de la copie de la promesse de vente dactylographiée par le commissaire Cunat ou l'un des 4 policiers qui l'accompagnaient lors de la découverte de la machine à écrire)<br /> *les quatre doubles de lettres (sur feuillets pelure avec un carbone) dactylographiés avec la machine à écrire, saisie le 6 juillet 1923, dont les originaux ont été tapés par le vendeur, M. Chenouard, et remis par lui à la police.<br /> - que le document de question A (Q1) et le document de question B (Q2) n'ont fort probablement pas été réalisés par la même personne.<br /> <br /> - qu'une similitude intéressante de « doigté » dactylographique est observée sur la pièce de question A (la promesse de vente telle que censée avoir été remise par Seznec aux enquêteurs) et la pièce de comparaison C1 du scellé 23 (la promesse de vente dactylographiée par le policier le 6 juillet 1923).<br /> Selon l'expert, cette similitude de frappe consiste en un rebondissement fréquent de la lettre « é », rebondissement que l'on ne constate pas dans l'exemplaire dactylographié de Quemeneur non plus que dans l'exemplaire dactylographié par l'expert Bayle, désigné en 1923. Cet expert, directeur du Service de l'identité judiciaire, avait déjà affirmé que la machine écrire saisie chez Seznec avait été utilisée pour taper les faux. D'après l'expert Nowaczyk, «il y a de fortes probabilités pour que ce problème soit lié au doigté du dactylographe et non à la machine à écrire ». M. Nowaczyk infère donc de ses constatations qu'il est probable que deux personnes différentes aient tapé chacune des deux promesses de vente et qu'en revanche, il y a une similitude de « doigté » entre la promesse de vente de Seznec et le fac-similé de la police. Cela signifierait que ces deux documents pourraient avoir été dactylographiés par une même personne, c'est-à-dire le commissaire Cunat ou l'un des 4 autres policiers ayant "découvert" la machine, et serait donc de nature à conforter l'hypothèse d'une possible machination policière<br /> ============<br /> C'est cette expertise qui est donnée en référence<br /> Il s'agit des conclusions de l'avocat général favorable à la révision.<br /> Dans les attendus du rejet il n'est pas fait allusion à cette expertise.<br /> Tanisse
G
Je viens de relire l'arrêt de la Cour de révision et je ne constate aucune saisine de l'IRCGN (laboratoire de recherches pluridisciplinaires de la Gendarmerie)<br /> Par contre, l'arrêt fait mention de nombreuses expertises et contre-expertises. Pour l'essentiel :<br /> 1°)- Le rapport déposé le 10 décembre 1923 par l'expert désigné établissait que les deux exemplaires de la promesse de vente avaient été dactylographiés à l'aide de la machine à écrire saisie dans la machinerie de la scierie exploitée par SEZNEC;<br /> 2°)- Le rapport déposé le 22 décembre 1923 par les experts chargés d'examiner les mentions manuscrites portées sur les deux exemplaires de la promesse de vente .... ainsi que sur la minute du télégramme déposée au Havre, le 13 juin 1923 et sur les feuillets 46 et 48 du carnet de Quéméneur ... concluait que ces pièces n'étaient pas de la main de celui-ci mais de celle de SEZNEC.<br /> Ces expertises, précise l'arrêt, n'aient suscité aucune demande de contre-expertise. <br /> 3°)- En 1989, un collège d'experts commis pour examiner les originaux de ces mêmes pièces concluait que SEZNEC en était le scripteur;<br /> 4°)- En 1993, un nouveau collège de 5 experts (directeurs des laboratoires de police scientifique de Wiesbaden et Lausanne) concluaient, à l'unanimité, que les deux exemplaires de la promesse de vente étaient de la main de SEZNEC ( se remarque la mise hors de cause de Pierre Bonny)
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