Magouilles au pays de l'Or noir

L'argument le plus fréquent lorsqu'une une personne me dit que la coalition n'aurait pas du intervenir en Irak, est que Saddam Hussein serait un "gentil dictateur"(sic). Un gentil garçon, le despote de Bagdad ?

C'est vrai ! Il l'est ...mais surtout avec ceux gagnés par la soif de "l'Or noir". En effet le Raïs savait se montrer parfois très généreux, comme le démontre cette enquête percutante de Laurent Chabrun et de Franck Hériot.

Fort d'une documentation solide - notamment la commission Volcker (émanant de l'ONU) et le rapport Duelfer (du nom d'un membre de la CIA)- ce livre raconte par le menu un scandale sans précédent: l'entreprise de détournement du programme "Pétrole contre nourriture"- destiné à soulager les difficultés du peuple irakien soumis aux rigueurs de l'embargo consécutif à la crise du Golfe de 1990-1991- mise en place par Saddam: "Hommes d'affaires, ou affairistes, intermédiaires, chefs d'entreprise, politiques ou diplomates: ils sont des centaines, de toutes nationalités- dont une bonne dizaine de Français et non des moindres- à s'être prétés à cette mécanique huilée de corruption massive." (p. 10)

Après avoir planté le décor et dressé le portrait de celui qu'ils surnomment le "Corleone des sables" (p. 24) les auteurs nous exposent les tribulations des protagonistes de cette sinistre affaire: au premier rang du banc des accusés, Benon Sevan, haut fonctionnaire de l'ONU et directeur du programme "Pétrole contre nourriture" et Kojo Annan, le fils de Kofi- un peu fort de Kofi, tout de même! (p. 52-124); parmi les Français, l'inévitable Charles Pasqua, deux diplomates, Serge Boidevaix et Jean-Bernard Mérimée, dont l'ancêtre Prosper- l'écrivain, pas le roi du pain d'épice- doit se retourner dans sa tombe (p. 144-187) et un homme d'Eglise (mais oui!) le père Jean-Marie Benjamin (p. 239-254); mais surtout, le truculent Georges Galloway, député travailliste écossais et militant propalestinien de longue date (p. 201-224). Et tant d'autres encore...

Certes, le duo Chabrun/Hériot le reconnait volontiers, pour certaines personnes comme le fils Annan, Pasqua ou Galloway, il n' y a pas de preuves formelles de leur participation à cette "mécanique"; mais les présomptions sont quand même suffisamment nombreuses pour exclure la thèse du complot - argument dérisoire utilisé notamment par notre ancien ministre de l'Intérieur, pour qui "c'est la CIA qui a tout manigancé" (p. 145). Bien sûr, bien sûr...

En somme, un bon travail d'investigation, qui se lit comme un roman policier, dont le principal mérite est de nous éclairer sur les motivations peu avouables de certains adversaires de l'intervention américaine - dont des membres de l'ONU, ce qui est tout de même assez effarant- bien plus intéressés par les barils de pétrole de l'ami Saddam que par le sort de son peuple. On attend avec impatience que la charmante chanteuse Tina Arena qui dans son dernier titre ("Je m'appelle Bagdad") dénonce de manière à peine voilée l'intervention US de 2003 fasse de même avec ce scandale autrement plus grave que le renversement un peu musclé du tyran irakien.

Frédéric CHATAIGNER.

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